« Faust » opéra de Charles Gounod

FAUST

 Opéra de Charles GOUNOD

Au cinéma L’Utopie de Sainte-Livrade-sur-Lot lui  dimanche 9 juin à 17h30 , projection de la représentation filmée au Royal Opera House à Londres, le 30 avril 2019

 

1. Charles Gounod

2. Johann Wolfgang von Goethe

3. Rembrandt, Delacroix

4. Faust  et Méphistophélès

5. Marguerite (s)

6. Hervé : « le Petit Faust »

7. Emile Cohl : « Le Tout Petit Faust »

Et si vous n’avez pas le temps de regarder ceci ou  cela, alors

Rendez-vous ici DIRECTEMENT A LA FIN : résumé, programme !

1. Charles Gounod

L’Ouverture de « Faust » est l’occasion pour les metteurs en scène actuels de capter l’attention sur quelque chose qu’ils proposent « pendant ce temps là », et qui n’est rien de moins que leur conception personnelle de l’œuvre. Au lieu de nous laisser écouter la musique, puis, d’ouvrir le rideau,, il est devenu évident qu’il faut sans délai fournir de l’image au spectateur du XXI siècle. Quelque chose de visuel,  voire de l’action, avant l’action. Premier exemple, une version minimaliste : Immobile, Faust  placé seul au centre de la scène, tient un crâne humain (comme Hamlet) sa main le manipule lentement, il finit par l’étreindre contre lui. Autre  exemple, cette fois plus animé : des aides apportent au Docteur Faust un cercueil dans lequel se trouve le corps d’une jeune fille et l’allongent sur une table ; il sortent… Faust  actionne la descente d’un lustre de forme  hélicoïdale, qui était en suspension au-dessus de cette table et une sorte d’éclair en émane, qui redonne vie à la jeune personne : avec de gracieux mouvements, qui ne peuvent être que ceux d’une danseuse, celle-ci se redresse et s’anime, se lève, puis retombe inanimée lorsque Faust la saisit (je résume). Au passage, dans cette dernière « idée » de mise en scène vous avez bien sûr reconnu le Docteur Frankenstein. Pourquoi pas ? Tout est dans tout et réciproquement. Mary Shelley n’a-t’elle imaginé son personnage en 1816 (Goethe publie Faust I en 1808 et termine Faust II en 1831) ? « Pourquoi pas » est devenu la justification sans appel de toutes les mises en scènes possibles et imaginables.

Le problème tient en ce que, pendant ces premières cinq minutes, lorsqu’on regarde un mime se dérouler sur la scène, on n’écoute pas de la même façon l’orchestre. La musique devient une sorte d’accompagnement de cinéma muet… Or, dans le cas de l’Ouverture de Faust, la musique mérite  vraiment plus qu’une demie attention. Écoutez donc s’il vous plait cette Ouverture : Gounod a composé là une brève partition symphonique, très sombre, très subtile au point de vue harmonique; cette Ouverture ne se charge pas de présenter, suivant l’usage, des thèmes qui seraient ensuite les motifs de grands airs chantés. Cette ouverture installe « seulement » un climat, plutôt oppressant, incertain et qui ne présage rien de gai. Pourquoi voudriez vous voir quelque chose sur scène en écoutant cela ?

La réduction pour piano permet de bien voir comment les quatre voix des cordes (violons I, violons II, altos et violocelles) tissent une progression harmonique qui procède par petits intervalles (demi-tons).

Le deuxième coup de génie de Gounod, ou de ses librettistes, tout de suite après cette sombre Ouverture musicale, est l’exclamation « Rien ! » prononcée par Faust pour commencer. Son premier mot.

Ensuite il y a la tentation du suicide, à l’aide d’un certain breuvage. Voici une mise en scène assez étonnante (filmée en Hongrie, au festival de Sziget); il faut le voir pour le croire… Patientez s’il vous plait, ou alors sautez directement à 4:00 vous ne serez pas déçu ! vous n’avez jamais vu, ni bu, un breuvage tel que celui-ci. Et quant à ce qui se passe au dehors (la jeune fille paresseuse et ce qui s’en suit) voilà un bel exemple de lourdeur bien sûr, mais surtout de contresens plaqué sur une œuvre ( avec un dégât collatéral :  la musique)

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2. Johann Wolfgang von Goethe

Le tableau chronologique ci-dessous  permet de situer Goethe par rapport à quelques uns de ses contemporains, que j’ai choisis dans les différents domaines auxquels Goethe s’intéressait : la poésie, la géologie, les sciences naturelles, l’esthétique, la philosophie, la musique… je dois ajouter : etc.

Il lui est arrivé de produire des essais dans des domaines où il s’exposait au-delà du raisonnable : une théorie des couleurs contre Newton, par exemple. Goethe s’est essayé à peindre et  dessiner mais il a cessé complètement le jour où une dame a osé lui dire que ce n’était pas ce qu’il faisait de mieux. Voici un dessin de Faust par Goethe…

Plus le temps passe et plus lire  Faust I et II  devient  difficile. Évolution du langage, que ce soit en allemand ou en français, perte des références mais aussi une réelle opacité initiale du texte  lui-même par moments, qui dorénavant n’excite plus guère notre curiosité. Voici un lien vers le texte intégral, si vous voulez essayer (des milliers de vers, en 260 pages…), J’ai trouvé sur Amazon, un commentaire qui résume très bien ce que l’on ressent aujourd’hui : « Pièce de théâtre dont le début et la fin sont passablement décevants, du fait d’une écriture excessivement dense, confuse et décousue.
La relation entre Faust et Méphistophélès est intéressante. Hélas, la multiplication des personnages aux deux extrémités du récit noie quelque peu l’intrigue.
Le style est exalté, poétique, lyrique, mais bizarrement l’emphase nuit parfois à la clarté et à la profondeur des thèmes évoqués par Goethe. » (Cyrille Godefroy)

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3. Rembrandt, Delacroix…

L’abondante iconographie de Faust recèle des pépites : il y a d’abord la gravure de Rembrandt, une eau-forte réalisée vers 1652. La Bibliothèque Nationale en possède un tirage, décrit et analysé ici (suivre ce lien pour aller lire ce document)

Delacroix a réalisé entre 1825 et 1827 une série de 18 lithographies pour illustrer la première édition de la traduction en français du Faust de Goethe par Stapfer . En suivant ce lien, ici, vous pourrez voir en ligne  toutes les images, avec commentaire (ce serait encore mieux d’acheter le très beau livre récent, aux éditions Diane de Sellers, dans lequel les gravures de Delacroix sont mises en parallèle avec la traduction de Gérard de Nerval, datant de 1828). De Delacroix, voici un dessin préparatoire de la chevauchée  de Faust et Mephistopheles (admirez le cheval !) , puis un tirage de la lithographie du même thème (admirez les chevaux !) :

Le peintre Jean-Paul Laurens (1838-190 ) a lui aussi réalisé des gravures pour illustrer le texte de Stapfer, à voir ici en suivant ce lien . Voici deux apparitions :

Ary Scheffer (1775-1858) peintre romantique s’il en est, a peint un tableau qui risque de vous indisposer : « Marguerite tenant son enfant mort « .  A-t-on idée de tenir son enfant mort de cette façon…

James Tissot en 1861 a beaucoup vécu en Angleterre. C’est d’ailleurs là qu’il a choisi de se faire appeler « James » (Jacques-Joseph Tissot était français, né à Nantes : mais les Anglais devaient probablement buter sur la prononciation de son prénom ou le trouver trop long, ou alors lui-même était un peu snob « Appelez-moi James… »). En tout cas, il donne au décor du couple Faust-Marguerite un air très anglais, romantique anglais, of course.

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4. Faust et Méphistophélès

L’iconographie de Faust ci-dessus comporte des noms illustres mais il existe aussi des représentations faites par de vrais inconnus, et qui ont pourtant été très regardées. En 1960, j’étais en classe de quatrième et j’apprenais l’allemand. A cette époque, apprendre l’allemand ne signifiait pas apprendre à communiquer des informations utilitaires, mais prendre connaissance des grands auteurs ou des récits typiquement germaniques (la Lorelei, les animaux de Brême, le joueur de flûte de Hamelin, Siegfried etc). Faust était présentée comme une histoire sortie du recueil populaire (Volksbuch) médiéval. Voici le début de ce résumé, illustré par un certain F. Darnaud (?)... Toute une génération de collégiens a gardé sous les yeux cette gravure pendant un cours ou deux… soit largement le temps  de recopier le crâne, en plus grand., d’observer que Faust était gaucher et que Mephistophélès était sans doute entré dans la pièce par la fenêtre ouverte (le dessinateur a très bien représenté des verres en cives (Les cives sont de petits disques de verre obtenus par soufflage et rotation, caractérisés par un ombilic central (marque du pontil) et par un bord rabattu) typiques des riches résidences, du XIII au XV siècle…  dans la gravure de Rembradt ci-dessus, qui date de 1652, la fenêtre de Faust est par contre déjà équipée des verres plats…

Le personnage de Faust, dans l’opéra de Gounod, est interprété par un ténor. Méphistophélès est un baryton basse. D’avance,  Faust ne fait pas le poids.

Méphistophélès n’est pas LE diable, il en est seulement une des figures , UN démon. En fait, il est LE démon de Faust, SON démon, autrement dit, d’après mon beau-frère, qui est psychanalyste, il représente ses pulsions. Son inconscient est représenté détaché de lui, à  côté de lui, mais c’est bien une partie de lui. La relation de soumission/résistance que Faust entretient avec Méphistophélès est celle que nous entretenons avec notre inconscient. Faust n’est pas le sujet (cartésien) de ses actes, il est le suppôt (freudien) de ses désirs personnifiés.

Une autre façon de voir les choses consiste à rappeler la devinette que tous les enfants connaiss(ai)ent : « Pince-mi et pince-moi sont dans un bateau, pince-mi tombe à l’eau, qui est-ce qui reste ?..  » …devenu pour nous : « Avant, il y avait Dieu et le Diable, les hommes et les raisonnements étant venus à bout de Dieu (Dieu est mort), qu’est-ce qui nous reste ? »

Faust II, que Goethe a rédigé jusqu’à sa mort, se termine par  une métaphore qui pourrait bientôt lui valoir interdiction de lecture. Il y est question de « l’éternel féminin » (!) qui serait seul apte à tirer les hommes vers le haut (!). Mon beau-frère refuse  de me dire ce qu’il comprend du sens (sexuel) de cette image, mais il a un sourire plein de sous-entendus..

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5. Marguerite (s)

De même que les Français acceptent mal qu’un bon vin puisse être produit en Nouvelle-Zélande, les Allemands n’ont pas vraiment accepté le fait que Gounod transforme leur histoire en un opéra chanté en français. En Allemagne, l’œuvre a  donc été présentée, et continue d’être représentée sous le titre proposé par Gounod lui-même : « Margarethe« . (compromis entre le prénom français et l’allemand Margrethe). Et  j’en profite aussi, sans supplément de prix, pour vous rappeler que le mot « gretchen » utilisée pour désigner une jeune femme (de préférence blonde, avec des nattes, une corsage à manches ballons et un tablier à fleurs) est tout simplement formé à partir du diminutif du prénom Margrethe. Gretchen, petite marguerite. (Margot, si vous préférez)

Voici un bouquet de Marguerite(s), dans l’inusable « Air des bijoux »…

L’enregistrement le plus ancien proposé ici  date de 1904 et c’est celui de Nelly Melba (la cantatrice pour qui, ébloui par son chant à Covent Garden, Escoffier inventa au Carlton de Londres la recette de dessert préparé avec une pêche)

Le plus récent est celui de Ruzan Mantashyan, qui  interprète ici l’Air des bijoux dans la mise en scène de Georges Lavaudant pour le Grand Théâtre de Genève en 2018. (le metteur en scène compte sur notre complicité amusée en habillant Marguerite d’une robe tissée d’éclats de miroir, prenant au mot l’expression « belle en ce miroir »… ha ha ha)

Dans le genre « robe qui ne passe pas inaperçue et difficile à porter » vous pouvez voir (et entendre !) ici  Diana Damrau en 2018, dans une version de concert … en plein air.

Une des plus belles voix de soprano du XX siècle : Mirella Freni à Paris en 1975

Et la version récente qui devrait vous séduire (jeu d’actrice, pureté du chant) : Angela Gheorghiu à Covent Garden en 2004

Parmi les cantatrices françaises actuelles nous avons le choix. Voici  Patricia Petibon dans la version de concert-monstre donné au pied de la tour Eiffel et retransmise par la télé….

Voici une vidéo qui propose un montage des images que l’on trouve dans le fameux album de Tintin « les bijoux de la Castafiore ». La voix est celle de Montserrat Caballé et cette vidéo propose de suivre la partition en dessous de l’image ..

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6.  Hervé : « le Petit Faust »

En 1869, dix ans après la création du »Faust » de Gounod , dont le succès est déjà tel que les airs sont connus de tous, une parodie apparait sur les boulevards, un opéra-bouffe joué aux Folies-Dramatiques. Le compositeur Hervé a composé la musique. Louis-Auguste-Florimond Ronger dit Hervé, véritable inventeur de l’opérette à la française, rencontre à son tour le succès avec son Petit Faust ! L’opérette a connu une éclipse pendant le seconde moitié du vingtième siècle, sérieusement moderniste, mais elle est reprise maintenant, fidèle à l’esprit d’origine. Voici un court extrait : Valentin part à la guerre. Il chante « Quand un militaire, il part pour la guerre, il embrasse son père »  le choeur l’interrompt ; « et s’il pas de père ?« ) il reprend « il embrasse sa mère  » (et s’il a pas de mère ?) etc… les auteurs de ce texte sont Hector-Jonathan Crémieux et Adolphe Jaime. Ils s’y sont mis à deux.

Et puis il y a Feydeau ! « Chat en poche« , archive INA de la série « Au théâtre ce soir » : La pette video ci-dessous démarre au moment où le jeune Dufosset (joué par Thierrey Le Luron), qu’un quiproquo fait passer pour un chanteur de l’opéra de Bordeaux, va exécuter « Salut, Demeure chaste et pure »

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7. Emile Cohl : « Le Tout Petit Faust »

Racontant à sa façon l’histoire de Faust résumée en quelques scènes, Emile Cohl réalisa en 1910, image par image, en bougeant légèrement ses poupées entre deux prises de vues, une version de théâtre de marionnettes !… Emile Cohl était  un pionnier : deux ans  auparavant, en 1908, il avait imaginé et dessiné seul, image par image, le premier dessin animé poétique utilisant une caméra de cinéma :  « Fantasmagorie« . Ici aussi, Il fait tout : les décors, les costumes et  la prise de vue…

La musique sans queue ni tête qui a été superposée à ce précieux document, n’est vraiment pas terrible. Un conseil : coupez le son et repassez dans votre tête des extraits des grands airs… même en chantonnant faux comme Thierry Le Luron ci-dessus, ce sera mieux que ce gloubi-boulga.


Avec ses costumes et décors, Emile Cohl reste totalement conforme aux représentations théâtrales de l’époque. La gesticulation des marionnettes peut nous faire sourire par ses exagérations, mais si nous la  comparions avec le film, le « vrai » film avec acteurs, tourné par Georges Méliès en 1904 , par moment nous pourrions hésiter à décider laquelle des deux versions semble  la plus « mécanique »…

Et maintenant, après toutes ces antiquités, qui donnent à cette page une allure de vide-grenier, place aux jeunes ! Voici « Faust » de Charles Gounod présenté par une jeune fille d’aujourd’hui, dans le style « ludique » qui s’impose :
En découvrant cette vidéo, je ne me suis pas senti comme Faust devant l’apparition de Marguerite, mais par contre, il m’est apparu qu’il est peut-être temps de passer le relais. Au début, pour décrire Faust, la jeune fille grimace, d’un air dégouté, en disant « il est tout vieux… un mec qui lit des trucs« . Le jeunisme me fait froid dans le dos…Mia Madineau est vive, amusante,  elle maîtrise bien les techniques vidéos, en revanche… elle dessine comme un pied.

Voici pour finir la bande-annonce du Faust 2019 du Royal Opera House :

Et enfin le programme à télécharger, avec résumé de l’histoire et distribution des rôles :

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En janvier 2016, nous avons projeté au cinéma L’Utopie, et présenté ici sur ce site, l’excellente version de l’opéra de Berlioz « La Damnation de Faust »

Désolé de n’avoir pas parlé du Faust de Marlowe, où la Morale surveille sévèrement toutes les issues,  ni de « Mon Faust » de Paul Valéry (ouvrage d’un pur intellectuel, qui a cédé à la passion amoureuse sur le tard)… ni de l’opéra « Mefistofele » de l’italien Arrigo Boito (le seul à couvrir Faust I et II) : cette œuvre sera  jouée du 23 juin au 2 juillet 2020 au théâtre du Capitole à Toulouse… oui, dans un an. Patientons.

En attendant, je vous invite à lire (ou relire) « Le Maître et Marguerite » de Mikhaïl Boulgakov : un roman fleuve étonnant, drôle, tragique, philosophique, historique, politique… le plus faustien de tous les romans ! Un chef d’oeuvre extrêmement troublant. (Si je ne devais emmener qu’un seul livre en prison, ce serait celui-là)

Philippe Roussel