Les ballets du Royal Opera House (Londres)
en différé au cinéma L’Utopie de Sainte-Livrade
15 déc 2019 : » Concerto/ Variations Enigma / Raymonda Act III »
12 janvier 2020 : « COPPELIA » (présentation en suivant ce lien)
22 mars 2020 : « Marston & Scarlett » (présentation à venir)
dimanche 15 décembre à 17h30
« CONCERTO / VARIATIONS ENIGMA / RAYMONDA ACTE III »
Ce programme propose trois ballets différents : ce que les anglais appellent « Triple Bill », autrement dit un programme mixte, trois affiches en une. Cette formule présente l’avantage de pouvoir admirer en un seul spectacle au moins trois couples de danseurs étoiles différents et trois types de chorégraphies… Dans le cas présent, une oeuvre abstraite et deux oeuvres narratives. Une chorégraphie classique (Nourrev), une néoclassique (Macmillan) et une inclassable (Frederic Ashton).. Bref, un spectacle enthousiasmant !
Télécharge ICI le programme (la distribution)
première partie : « CONCERTO »
La chorégraphie est signée KENNETH MACMILLAN. Avant de la voir et afin d’être en mesure de l’apprécier au mieux, écoutons d’abord ce que la musique propose… la musique seule. On serait tenté de dire « la matière première » du chorégraphe, mais ce serait une erreur : la matière première du chorégraphe ce sont surtout les corps des danseurs et les figures du langage de la Danse. la musique est là pour donner des idées et un cadre : quelles idées de mouvements vous viendront en écoutant la musique ? (autorisez vous à l’imaginer..)
La musique est de DIMITRI CHOSTAKOVICH : Il s’agit de son Deuxième Concerto pour piano, que le compositeur a dédié à son fils.. lequel en a été le premier interprète, à l’âge de dix-neuf ans, au Conservatoire de Moscou en 1957. Pour nous, à Londres, ce sera Kate Shipway qui jouera la partie de piano solo.
Ce concerto est structuré de manière très classique : trois mouvements (Allegro, Andante, Allegro) et son écriture harmonique est relativement plus facile à entendre pour la plupart des spectateurs que celle d’autres oeuvres de Chostakovich… D’où son succès et l’attitude un peu ironique de certains critiques élitistes…
Le premier mouvement commence par une introduction, brève et dynamique, joué par les instruments à vent et lorsque le piano entre, dans une ambiance de musique de chambre, ce n’est pas pour délivrer d’emblée des flots de notes virtuoses à la manière des grands concertos romantiques… le mouvement se développe sans sophistication, sur la base d’une pulsation assez « carrée », beaucoup de phrases martelées en octaves, avec de grands crescendos et des passages renforcés par des percussions qui peuvent faire penser à Prokofiev (mais on n’est pas obligés : chacun pense ce qu’il veut en écoutant la musique et tous les commentaires du genre de celui-ci peuvent être tournés en ridicule.)
Le mouvement lent, assez court, contraste comme il se doit avec l’allegro précédent, ici de manière particulièrement lyrique : cela commence par un superbe choral pour cordes et ensuite le piano joue quelques phrases avec un accompagnement minimaliste. Les deux parties, solo et orchestrale, apparaissent de façon bien distincte mais paradoxalement s’unissent très bien sans la superposition habituelle. Il y a en même temps, pour les deux, une alternance majeur/mineur très marquée, soulignée, qui joue un rôle émotionnel assez irrésistible. Que diriez-vous d’un Pas de Deux sur cette musique ? Et bien oui, le mouvement lent vous permettra d’admirer un duo d’une très grande douceur. La danseuse, à peine appuyée sur son partenaire déploie des lignes qui ne souffrent aucun à-peu-près et le temps semble suspendu : ils s’appellent Yasmine Naghdi et Ryoichi Hirano. Avec la cinquième Soliste Mayara Magri nous retrouvons les retrouvons tous ensemble dans le troisième mouvement.
Le dernier mouvement est enchaîné au précédent sans interruption. cette fois ce sont les figures rythmiques qui attirent l’attention. Cela débute très simplement comme un ritournelle mais très vite, on est typiquement dans du « Chostakovich », marque déposée : déplacements des temps forts, instabilité rythmique malgré la répétition lancinante d’une note (la tonique, claironnée) mais surtout sentiment d’une grande énergie débordante d’inventivité. Il y a même dans cette pièce une forme d’humour malheureusement réservé aux pianistes, une « private joke » , un clin d’oeil destiné à l’origine à son fils : en déchiffrant ce mouvement, les pianistes ont en effet la surprise d’y retrouver éparpillés ça et là des bribes d’exercices de la Méthode Hanon, par laquelle ils sont inévitablement passés en tant qu’étudiant….
La chorégraphe de KENNETH MACMILLAN a été créée en 1966.:
Voici ANNA ROSE O’SULLIVAN et JAMES HAY dans un court extrait du premier mouvement (mesures 45 à 110)
deuxième partie : VARIATIONS ENIGMA
Après un premier entracte, la deuxième oeuvre au programme, les ENIGMA VARIATIONS nous proposent une musique « descriptive », ou plus exactement « allusive » mais les danseurs seront là pour interpréter les allusions… (et en ajouter de nouvelles !). le paradoxe de la musique descriptive tient en ceci que si l’on ne sait pas préalablement PAR AILLEURS de quoi il s’agit,, on risque fort de ne rien comprendre…
Edward Elgar, le compositeur, était dit-il bien tranquille chez lui, un soir, en compagnie de son épouse et il eut l’idée de lui jouer des petites inventions au piano, des improvisations supposées évoquer des personnes de leur entourage (à partir de leurs allures ou de leurs tics etc..); c’était comme un jeu des portraits… par la musique; Son épouse trouva cela formidable et l’encouragea à donner forme à cette idée originale.
Le décor et les costumes du ballet chorégraphié par Frédéric Ashton sont cent pour cent anglais. Ambiance totalement vintage, follement conservatrice style National Trust : tous les détails comptent. On se croirait au début de « La cantatrice chauve » de Ionesco…Entouré de sa famille et de son cercle d’amis, dans sa maison du Worcestershire, Elgar attend une nouvelle importante. C’est par un télégramme qu’il apprend qu’un célèbre chef d’orchestre accepte de diriger la première d’Enigma Variations. Le ballet met l’accent sur la douceur de la relation familiale et l’amitié, sentiments rarement mis en scène par la danse.
Le ton dominant est la mélancolie, mais le ballet est aussi animé par des moments très drôles, avec notamment la prestation de Matthew Ball dans la peau de l’impétueux Arthur Troyte Griffith. Côté charme et délicatesse : Francesca Hayward en Dorabella, et Laura Morera en Lady Elgar. Mais c’est l’ensemble de la compagnie qui est mis en valeur…
00:00 – Andante : « E.D.U. » .Edward Elgar lui-même
01:26 – L’istesso tempo . The Lady « C.A.E. » l’épouse d’Elgar
03:22 – Allegro « H.D.S.-P. »
04:06– Allegretto « R.B.T. »
05:27 – Allegro molto « W.M.B. »
05:58 – Moderato « R.P.A. »
08:08 – Andantino « Ysobel »
09:34 – Presto « Troyte »
10:31 – Allegretto « W.N. »
12:26 – Adagio « Nimrod »
16:14 – Intermezzo: Allegretto « Dorabella »
18:56 – Allegro molto « G.R.S. »
19:56 – Andante « B.G.N. »
22:30 – Romanza: Moderato) « * * * » le nom de la Dame est maintenu secret
25:26 – Finale: Allegro Presto « E.D.U. »
Et ci-dessous une extrait d’une répétition… variations « the lady » et ensuite « Dorabella » : excellente occasion d’apprécier le travail de mise eu point des danseurs lors des dernières répétitions, bien sûr, mais aussi, pourquoi pas, de comparer les deux accompagnemants : la réduction piano utilisée en répétition et la réelle version orchestrale proposée dans les liens ci-dessus…
troisième partie : RAYMONDA Acte III
Et si vous préférez une présentation en français :
Citation (copié/collé) du site resMusica :
« Enfin, le rideau s’ouvre sur le somptueux décor de l’acte III de Raymonda, resplendissant de dorures et contribuant à la magie du ballet classique. Le Royal Ballet reprend la version de Rudolph Noureev, qui remonta l’acte III en 1966, sur la musique d’Alexandre Glazounov et d’après la chorégraphie de Marius Petipa. Ce n’est qu’en 1983, une fois à la tête de l’Opéra de Paris, que Noureev chorégraphia le ballet dans son intégralité. Cet acte III, conçu comme un divertissement en un acte célébrant les noces de Raymonda et Jean de Brienne, fut dansé pour la première fois par le Royal Ballet en 1969.
Le Royal Ballet offre une distribution de choix pour les rôles-titres. Les rôles de Raymonda et de Jean de Brienne sont interprétés par les étoiles Natalia Osipova et Vadim Muntagirov. Les deux danseurs russes font partie des danseurs à la carrière internationale, Natalia Osipova ayant été successivement étoile du Bolchoï, du Mikhailovsky, de l’American ballet Theater avant d’intégrer le Royal ballet en 2013. Vadim Muntagirov, formé à Perm puis à la Royal ballet School, a été nommé étoile de la compagnie en 2014 et se produit à l’international. Il sera notamment étoile invité à l’Opéra de Paris pour une série de représentations de Raymonda en décembre prochain.
Le spectacle est à la hauteur des attentes. La virtuosité de Vadim Muntagirov est époustouflante : précision des tours, élévation des sauts, noblesse du port, charisme en scène, le danseur devrait s’imposer à Paris.
Natalia Osipova est une Raymonda impériale, sure d’elle et un brin diva. Son interprétation de la variation dite « de la claque » est toutefois trop en force, sans les nuances d’expression que suggèrent les rondeurs orientalisantes de la musique.
Le corps de ballet est exquis dans les danses hongroises, le pas de quatre des garçons avec sa redoutable série de double tours en l’air et pirouettes est parfaitement exécuté. Les noces se terminent dans un joyeux et brillant bouquet final.
La variété des styles de danse présenté, les changements d’atmosphères, la profusion des décors font de ce programme une soirée riche et complète, qui montre la compagnie à son meilleur niveau. »