Préparée dans des conditions difficiles (longue grève de trois mois) cette production n’a pas pu franchir le cap de la Première représentation en public : Covid…totale interruption des spectacles à partir de Mars 2020.
Heureusement il y a eu cet enregistrement vidéo.
Vous pouvez lire en suivant ce lien : Une très bonne analyse de cette nouvelle « version »de Manon à Bastille.
Rien n’interdit, bien sûr, de transposer l’histoire de Manon à une autre époque… supprimer un ou deux airs, pourquoi pas (l’oeuvre est tombée dans le domaine public…). mais en rajouter un autre qui lui est étranger… ?? et changer la mort d’épuisement de Manon en exécution par les armes .. ???
Puisque nous sommes au cinéma (opéra au cinéma) on peut rappeler qu’il existe un magnifique film de H.G. Clouzot, en 1949 , Lion d’or à la Mostra de Venise, qui lui aussi transpose le contexte de Manon (la résistance en 44..pour commencer, puis se termine dans les sables sahariens : scène finale lacrymogène irrésistible. sans oublier le plaisir de revoir Serge Reggiani, Daniel Ivernel (entre autres !). Voir ici, sur ImdB, une galerie de photogrammes du film. Existe en Dvd .
Et que penser du « pitch » imprimé dans le programme mensuel du cinéma l’Utopie ?
- L’opéra « Manon » n’est pas l’oeuvre de Vincent Muguet. Huguet, pardon. Celui-ci s’est approprié la création de Massenet, et a effectué des modifications provocantes, qui avaient pour but de le sortir de l’anonymat. Il ne s’est pas mis au service de l’oeuvre, il s’en est servi.
- Le résumé incitatif (proposé et transmis par ‘Opéra de Paris-Bastille) vous dit que cette histoire nous « livre le tableau d’une époque ». Non, désolé, c’est une histoire d’amour, ou plus exactement c’est le récit d’une situation dramatique dans laquelle l’un des protagonistes (Des Grieux) ne peut empêcher la chute de la Manon qu’il aime et qui est elle-même partagée entre deux illusions (l’amour, l’argent). C’est un drame humain. pas un récit sociologique. Il peut avoir lieu à n’importe quel époque, il me semble. Le refrain de « la vieille société qui s’effondre tandis qu’une nouvelle semble naître pleine de la promesse d’une liberté nouvelle » ressemble à une rengaine qu’on nous a déjà servie ailleurs. plaquée là, et qui n’a rien à voir avec ce qui nous intéresse dans « Manon ». Comme dit mon beau-frère, qui est psychanalyste, ce que la musique de Massenet permet d’entendre, c’est la symphonie des pulsions, la lutte infernale entre l’inconscient, le Moi et le Surmoi. (Je ne suis pas tout à fait d’accord : on entend très bien que le Moi de Manon ne parvient pas à se former, à s’affirmer, les pulsions partent dans tous les sens et à la fin, le sentiment de honte, qui la fait mourir , car elle meurt de honte n’est-ce pas, montre bien l’échec de cette structuration; Manon n’est pas le sujet de ses actions, qu’elle contrôlerait, elle est le suppôt des pulsions qui l’animent. Oui, comme vous et moi, c’est ça, merci)
Vous pouvez télécharger ici le programme qui sera donné à la caisse du cinéma (résumé du livret acte par acte, distribution des rôles, brève notice sur Massenet)
Et terminons en revenant aux seules choses vraiment sérieuses dans la vie : la musique et le chant.
Benjamin Bernheim s’identifie passionnément à son personnage des Grieux, et c’est un ténor qu’on aura plaisir à entendre, si le spectacle d’opéra ne disparaît pas (sous l’accumulation des coups du covid, de la cancel culture, de l’égalitarisme et du racialisme). Pretty Yende, elle aussi très prometteuse vient déjà s’ajouter avec brio à une liste de sopranos prestigieuses qui ont chanté Manon. Par exemple, récemment Anna Netrebko, dont la vidéo ci-dessous permet d’apprécier la façon « sans réserve » de donner (son) corps au rôle :
Mais pour bien suivre voici d’abord les paroles:
Allons!… il le faut!
Pour lui-même!
Mon pauvre chevalier! Oh! Oui, c’est lui que j’aime!
Et pourtant, j’hésite aujourd’hui!
Non! non! je ne suis plus digne de lui!
J’entends cette voix qui m’entraîne
Contre ma volonté:
« Manon, tu seras reine,
Reine par la beauté! »
Je ne suis que faiblesse et que fragilité!
Ah! malgré moi je sens couler mes larmes.
Devant ces rêves effacés!
L’avenir aura-t-il les charmes
De ces beaux jours déjà passés?
Adieu, notre petite table
Qui, nous réunit si souvent!
Adieu, notre petite table,
Si grande pour nous cependant!
On tient, c’est inimaginable,
Si peu de place… en se serrant…
Adieu, notre petite table!..
Un même verre était le nôtre,
Chacun de nous, quand il buvait,
Y cherchait les lèvres de l’autre…
Ah! Pauvre ami, comme il m’aimait!
Adieu… notre petite table.
Adieu!
Et, pour le plaisir du chant pur, pas pour la comparaison (qui n’aurait guère de sens, c’est une version de concert…) voici Maria Callas :