Madame Butterfly

MADAME BUTTERFLY


« On a de la chance à Sainte-Livrade-sur-Lot…
– Pardon ?
– Je dis : On a de la chance à Sainte-Livrade..
– Tu peux m’expliquer…
– On a pu voir Turandot et Manon Lescaut en 2013, Tosca en 2014 et La fille du Far-West en 2016. Et voilà maintenant, dimanche 23 avril Madame Butterfly ! Il ne nous manque plus que la Bohême et on aura vu tous les grands opéras de Puccini..!
– Au cinéma..
– Oui, au cinéma, je sais bien que ce n’est pas la même expérience que dans la salle, mais tu sais combien on paie la place, à l’Utopie, pour une projection d’Opéra? 12 euros..
– Non ! pas possible, moi à Mulhouse je paie 18 euros…
– Attends.. et en plus, ils nous offrent une boisson et des petits gâteaux à l’entr’acte… et un programme avec le synopsis de l’oeuvre.
– Le synopsis ?
– Oui, le résumé acte par acte de l’action avec l’indication des principaux airs, autre chose qu’un pitch en deux lignes.
– Oh, remarque, pour Madame Butterfly, le pitch pourrait tenir en deux mots : « Séduite et abandonnée ».. la base d’un scénario qu’on retrouve dans d’autres mélodrames.
– Madame Butterfly n’est pas un mélodrame, c’est une tragédie !
– Tu pinailles, quelle différence fais-tu entre mélodrame et tragédie ?
– Le personnage de Madame Butterfly comporte une dignité intérieure, une volonté morale, une droiture, une cohérence affective, qui en font tout autre chose que la petite victime naïve d’un homme de passage..
– Je ne vois pas bien ce que tu veux dire par « cohérence affective », mais peu importe, il y a des airs splendides… Vous allez voir quelle version ?
– Covent Garden, enregistrée il y a un mois, dirigée par Antonio Pappano.
– Pas possible ! oh, vous avez de la chance à Sainte-Livrade !
– C’est bien ce que je te disais…
– Il paraît que c’est une production d’une qualité incroyable !
– Pappano est un passionné de Puccini et il a tenu à monter une « Butterfly » inoubliable. Il fait donner le meilleur à l’orchestre ! Le jour de la Première, le public lui a fait un triomphe et les critiques, comme dans le Guardian, ont été éblouis…
– Qui chante Butterfly ?
– Le rôle-titre est interprétée par la soprano Emonela Jaho. Dans une interview elle dit « tout donner comme si c’était la première et la dernière fois » et c’est vraiment une excellente actrice..
– Et sa voix ?
– Absolument parfaite pour le rôle… une douceur incroyable dans l’aigu, des nuances qu’on ne croyait pas possible…
– Vous avez vraiment de la chance à Sainte-Livrade… Et la mise en scène ?
– Très bien, très équilibrée : respect d’un décor japonais comme il se doit, mais sans kitsch. Très beaux éclairages. Moshe Leiser and Patrice Caurier, deux hommes, tu vois ce que je veux dire, les Dupont et Dupond de la mise en scène. Si tu vas sur le site internet de l’Utopie, tu pourras visionner un interview, tu verras ils sont mignons et ils parlent anglais avec un accent français impeccable : tu comprends tout. Ils développent l’idée peu originale mais politiquement correcte suivant laquelle ce qui arrive à Madame Butterfly est typique de la relation pourrie que les occidentaux ont entretenue avec le reste du monde en les dominant.. il me semble que c’est un peu réducteur et même que cela n’a aucun intérêt mais ils le disent avec beaucoup de sérieux.
– Le dimanche 23 avril , dis donc, c’est le jour du premier tour des élections ?
– Pas de problème ! tu votes avant, tu viens au spectacle à 17h30, tu passes deux heures et demi dans un monde musical de rêve où tu oublies que d’autres n’ont pas voté comme toi.. et quand tu ressortiras, il sera toujours temps d’écouter les premières estimations en chantonnant encore dans ta tête « un bel di, vedremo.. »
– D’accord, à dimanche.

Un résumé pour ceux qui n’aiment pas lire et préfèrent écouter (merci OperaOnline):

la même chose, version texte :
L’action se déroule au Japon, dans la baie de Nagasaki, vers 1900. L’officier américain Pinkerton découvre sa future épouse Cio-Cio San – dite Madame Butterfly – geisha de quinze ans dont la famille réprouve le mariage. Sharpless, le consul des Etats-Unis, déconseille cette union à Pinkerton. Toutefois, le soir de leurs noces, Pinkerton embrase le cœur de la jeune fille, qui répond à son amour avec timidité avant de se donner ardemment à lui. Trois années passent. Rentré aux Etats-Unis, Pinkerton n’a donné aucune nouvelle à Butterfly, qui ne cesse d’attendre son retour, persuadé que l’officier viendra la retrouver… et découvrir l’enfant qu’elle a eu de lui. Sharpless, qui sait que Pinkerton a refait sa vie dans son pays et s’est marié, demande à Butterfly ce qu’elle ferait s’il ne revenait jamais. Elle se tuerait, répond la geisha. C’est le geste fatal qu’elle commettra en découvrant la vérité, lors du retour tardif mais tellement attendu de Pinkerton, venu chercher son enfant en compagnie de son épouse américaine.

Le travail préparatoire d’Antonio Pappano

La réussite de cette production ne peut évidemment se ramener à une ou deux personnes. Comme le montre le récent documentaire français « Opéra », un spectacle d’une maison d’opéra comme celle de Paris ou Covent Garden, représente à chaque fois la résultante du travail de près de 2000 personnes… mais bien sûr il y a sur le plan purement artistique des responsabilités dominantes. Ici, pour cette Butterfly, il faut souligner le charisme du chef, Pappano. Le voici, filmé en répétition :

Deuxième exemple de travail du fougueux Maestro Pappano avec la soprano Ermonela Jaho

Cerise sur le gâteau, l’inteview des metteurs en scène français qui parlent un anglais compréhensible par tous (sur cette video, ce n’est pas Ermonela Jaho qui chante Butterfly)

Voici enfin le programme qui sera distribué gratuitement à la caisse, mais que vous pouvez déjà télécharger (au format pdf avec le synopsis et la distribution de cette représentation de qualité exceptionnelle) cliquez sur : ButterflyProg

Le Royal Opera House a d’ores et déjà annoncé que cet enregistrement HISTORIQUE sera édité en DVD , début 2018.

Philippe Roussel