Retrospective Wim Wenders

Sept films de Wim Wenders

retrospective

– Il est mort ?
– Qui ? Bernard ?
– Non.. Wim Wenders ?
– Non, il n’est pas mort. Pourquoi tu me demandes ça ?
– Je croyais que les films du Patrimoine, c’était des films de gens qui sont morts, comme Jean Renoir ou Hitchcock ou Fritz Lang…
– .. Et bien tu te trompais : les films du Patrimoine, ce sont des films (1) qui ont plus de vingt ans et (2) qui sont choisis par une commission d’experts. Et en fait, la dénomination « patrimoine et Répertoire » leur donne du mou. Comme tu vois le premier film de la rétrospective Wim Wenders date de 1971 .. notre Président n’était pas encore né !
– Georges n’était pas encore né ?
– Mais non, pas le Président de notre association, notre Président de la République, Emmanuel Macron.
– Macron n’était pas né en 1971 ? Les gens ne connaissaient pas leur bonheur… Il était même pas né quand Wim Wenders tournait « L’angoisse du gardien de but au moment du pénalty » ? C’est dingue, moi en 71 j’étais étudiant, je m’en souviens comme si c’était hier…
– Peut-être, mais si je te demande ce que tu as fait hier, tu ne t’en souviens pas… Arrête ton sketch s’il te plait et passons aux films de Wim Wenders. Et d’abord une présentation d’ensemble, qui met dans l’ambiance :

    1. L’angoisse du gardien de but au moment du penalty

Ci-dessous un court extrait (le film en entier semble très long) où l’on voit ,  comme le disait Clémenceau que  « le meilleur moment de l’amour, c’est quand on monte l’escalier » (ou… dans l’ascenseur en version moderne)
Plus sérieusement : vous avez vu les cadrages ? vous avez entendu cette musique ? (les couleurs sont nettement mieux dans la version restaurée, heureusement)

Mathieu Macheret résume ainsi le film : « Un gardien de but se voit suspendu au cours d’un match. S’ouvre alors pour lui une parenthèse existentielle, celle d’une dérive hasardeuse dans les rues et les chambres miteuses de Vienne, où il étrangle au passage une ouvreuse de cinéma. Le personnage est l’incarnation type du sujet moderne, amené à se dissoudre et à s’opacifier dans son expérience du monde. Il joue à son insu le rôle de guide ambigu dans une Autriche des petits métiers de service tissant un vaste réseau de banalités dont le contrechamp discret serait l’Amérique (les films à l’affiche, Les chansons des jukebox). Quelle commune mesure entre son geste transgressif (le meurtre) et ce quotidien gourd et blême, parfois secoué par une horreur irréelle ? À la fin du film, le gardien sera passé de l’autre côté du miroir, pour atterrir dans les gradins d’un nouveau match dont il est devenu, cette fois, le spectateur. »

      • Alice dans les villes

    Cette fois c’est Hélène Lacolomberie qui nous aide : « Pour son quatrième long métrage, Wim Wenders filme l’ennui, la monotonie, mais aussi la complicité et la tendresse entre ses deux personnages. Il prend son temps, saisit des instants au vol comme le ferait le photographe, déploie un sens aigu de l’espace, filme des paysages vidés de leur sens entre les États-Unis et l’Europe. Sa caméra scrute le mal-être avec une rigueur sèche et une précision qui se teintent de pudeur et de grâce, de légèreté aussi, doublées d’une mélancolie que renforce l’usage du noir et blanc. Road Movie, en forme de double quête, une raison de vivre pour l’homme, des repères familiaux pour l’enfant, Alice dans les villes impose doucement Wenders en cinéaste de l’errance, et préfigure Paris, Texas. Porté par Yella Rottländer, sa jeune interprète, et Rüdiger Vogler, acteur fétiche et alter ego de Wenders, le film, à sa sortie, emballe la critique. Wim Wenders confiera plus tard son attachement à ce film qu’il considère comme son premier. »

      • Faux mouvement

    Le résumé à notre intention est signé Pauline de Raymond :
    « Wim Wenders dira que le film « serait le voyage de quelqu’un qui a cet espoir de comprendre le monde, et pour qui le contraire se passe ». C’est Rüdiger Vogler, double de Wenders, qui interprète Wilhelm, un écrivain en panne d’inspiration qui quitte sa ville natale la rage au ventre. Il veut « simplement écrire, comme on veut marcher ». Les dialogues et la voix off écrits par Handke se caractérisent par un style économe et tranchant. Faux mouvement déploie également une des grandes préoccupations de Wim Wenders à l’époque : filmer les paysages et son pays. Dans la trilogie du voyage, Faux mouvement constitue l’opus le plus politique, celui par lequel le cinéaste se confronte à l’Histoire de l’Allemagne, à sa part sombre. La critique allemande Lotte Eisner soulignera bien à quel point la dimension de révolte et le « dégoût profond devant un nazisme inextricable » sont liés à la renaissance tant attendue du cinéma allemand à la fin des années soixantes. »

  1. Au fil du temps


« En ce milieu des années 1970, le parc cinématographique allemand affiche un état désastreux hérité de l’après-guerre. C’est ce réseau sinistré que sillonne Bruno (Rüdiger Vogler), projectionniste itinérant, au volant d’un grand camion, dernier refuge motorisé d’un art réduit au nomadisme. Sur le chemin, il recueille Robert (Hanns Zischler), un autre naufragé de l’existence. Au long de leur périple, l’Allemagne se déroule comme le reflet inversé d’une Amérique fantasmée, continent symétrique dont les motifs dédoublés refluent de partout (musique, grands espaces…). C’est leur Amérique intérieure que cherchent les personnages errants, jusqu’à se confronter avec la génération des pères ayant frayé avec le nazisme. Wenders donne au temps le rythme d’une respiration olympienne, au crible des contrastes éclatants sculptés par la photographie de Robby Müller. La route comme la pellicule sont les deux plus beaux des rubans de mémoire. »
signé : Mathieu Macheret

  1. L’ami américain


« Jonathan (Bruno Ganz), modeste artisan encadreur dont les jours sont comptés, croise la route d’un Americain négociant en oeuvres d’art, qui le convainc d’exécuter un contrat pour le compte d’un riche
homme d’affaires francais. Un vortex aventureux semble alors aspirer Jonathan hors de son existence bien rangée, pour le transporter au coeur d’une dimension funèbre mais néanmoins excitante.
Hanté par la morbidité, trempé du climat humide de son décor portuaire, illuminé par des clairs-obscurs glauques, L’Ami américain investit la division des deux Allemagnes comme l’écran paranoïaque où s’engouffrent les ombres mouvantes d’une cinéphilie constituée. C’est pourquoi l’on retrouve, dans des rôles de gangsters, des « pères » en cinéma (Nicholas Ray, Samuel Fuller). Entre Paris, Hambourg et New-York, le film caresse une urbanité maussade et lugubre, dont la froideur anticipe l’atmosphère des années 1980. »
Signé encore : Mathieu Macheret

  1. L’état des choses


« En 1981, Raul Ruiz est confronté à des problèmes de financement, qui compromettent l’issue du tournage de son fi lm Le Territoire à Lisbonne. Wim Wenders lui apporte de la pellicule, et découvre,lors de cette visite, un hôtel abandonné sur la côte qui servira de décor insolite. Il propose à l’équipe de Ruiz de prolonger son séjour. Ainsi débute, de manière improvisée, la production de L’État des choses. Le film est écrit au jour le jour, par le cinéaste et son scénariste Robert Kramer. Patrick Bauchau, que Wenders
avait trouvé formidable dans La Collectionneuse de Rohmer, interprète le réalisateur, aux côtés d’Isabelle Weingarten et du cinéaste Samuel Fuller, qui joue le rôle du caméraman. Henri Alekan signe la photographie magnifique de ce film en noir et blanc. Inspiré par la mésaventure de Ruiz, et exaspéré par sa propre expérience hollywoodienne (Hammett), Wim Wenders réalise une oeuvre réflexive, chargée de références artistiques. »
Cette fois c’est signé :Marion Langlois

  1. Les Ailes du désir


« Tourné deux ans avant la chute du Mur, le film montre un Berlin qui porte toujours les cicatrices à vif de son histoire : les ruines de la guerre et le Mur, symbole omniprésent de la guerre froide sur lequel bute en permanence la caméra. À cette cartographie concrète, faite de limites et d’horizons bouchés, se superpose une cartographie mentale déployée par le monologue d’Homère, vieillard hantant la Stadtbibliotek : il convoque par ses souvenirs la mémoire de ceux qui ont disparu et du Berlin sous les bombardements. Imprégné par sa relecture des poèmes de Rilke, Wenders voit s’imposer à lui l’idée des
anges, « regard libre », capables de traverser la ville et de circuler de façon fluide dans cet espace marqué par les frontières. C’est tardivement, au cours de l’écriture, qu’émerge le personnage de la trapéziste, interprété par Solveig Dommartin. Malgré le chaos de la préparation, l’ajout en cours de tournage du rôle de Peter Falk, le film remporte un immense succès. »
Cette dernière brève présentation a été rédigée par : Wafa Ghermani