Les Ballets russes à Paris (1909-1919)
Au début du siècle dernier, les Ballets Russes de Serge Diaghilev bousculaient les conventions et ouvraient grand la porte à la modernité, initiant la collaboration entre peintres, musiciens et chorégraphes d’avant-garde. Voici réunie l’élite artistique de l’époque en une affiche vertigineuse: Debussy, Stravinsky, Falla, Picasso, Bakst. Massine, Nijinski, Fokine… Pour autant, cet hommage réunit des œuvres de périodes différentes et révèle une diversité d’inspiration insoupçonnée, du romantisme épanoui du Spectre de la Rose et de l’érotisme fauve de l’Après-midi d’un faune à la fête tragique de Petrouchka et à l’évocation espagnole du Tricorne. Ces célèbres ouvrages, présentés dans leur insurpassable chorégraphie d’origine, témoignent de ce que fut et demeure cette audacieuse aventure artistique.
Le Spectre de la rose (1911)
Argument : Jean-Louis Vaudoyer, d’après le poème de Théophile Gauthier
Musique : Carl Maria von Weber
Chorégraphie: Mikhaïl Fokine
Décors et costumes : d’après Léon Bakst
Danseurs étoiles : Mathias Heymann et Isabelle Ciaravola.
Au lever du rideau une jeune fille rentrée du bal, vaincue par la fatigue, s’endort dans un fauteuil. Dans son rêve, la rose qu’elle tient à la main devient un génie qui lui prodigue des caresses et qui disparaît à l’aube.
Le Spectre de la rose, c’était d’abord l’une des oeuvres les plus inspirées de Fokine. L’une des plus apparemment
simples. Rien d’inutile, rien de faussement brillant. La virtuosité transcendante mise au service du sentiment.
Un seul mouvement, un seul souffle semble animer cette danse, jamais interrompue par le moindre clin
d’oeil. À aucun moment le spectre ne redevient le partenaire, le cavalier de la belle endormie, les bras, libérés de toute étiquette classique, ne sont plus occupés à se conformer aux positions correctes. Ils chantent, ils
vivent, ils parlent et leur langage, qui est à la fois celui de Fokine et celui de ses interprètes, est l’un des plus
fluides qui se soit jamais dansé.
L’APRES-MIDI D’UN FAUNE (1912)
Musique : Claude Debussy
Chorégraphie : Vaslav Nijinski
Décors et costumes : Léon Bakst
Danseurs étoiles :Nicolas Le Riche, Emilie Cozette
L’argument du ballet n’est pas l’adaptation du poème de Stéphane Mallarmé, mais une scène qui le précède.
Sur un tertre un faune se réveille, joue de la flûte et contemple des raisins. Un premier groupe de trois nymphes apparaît, suivi d’un second groupe qui accompagne la nymphe principale. Celle-ci danse au centre de la scène en tenant une longue écharpe. Le faune, attiré par les danses des nymphes, va à leur rencontre pour les séduire mais elles s’enfuient. Seule la nymphe principale reste avec le faune ; après le pas de deux, elle s’enfuit en abandonnant son écharpe aux pieds du faune. Celui-ci s’en saisit, mais trois nymphes tentent de la reprendre sans succès, trois autres nymphes se moquent du faune. Il regagne son tertre avec l’écharpe qu’il contemple dans une attitude de fascination. La posant par terre il s’allonge sur le tissu…
Vous pouvez voir ici l’interprétation de Rudolf Noureev
Le Tricorne (1919)
Musique : Manuel de Falla
Livret : Gregorio Martinez, d’après la nouvelle « El sombrero de tres picos » de Pedro Antonio Alarçon
Chorégraphie : Léonide Massine
Décors et costumes : Pablo Picasso
Danseurs étoiles : José Martinez, Marie-Agnès Gillot, Fabrice Bourgeois
Dans l’Espagne de Goya, le nouveau corregidor (gouverneur de la province coiffé d’un tricorne – d’où le titre du ballet) tente de courtiser une meunière et, pour se débarrasser du mari, le fait arrêter par ses gardes. Repoussé par la jeune femme, le séducteur recule et tombe dans la rivière. Il en ressort trempé, et va dans la maison du meunier afin d’échanger ses vêtements contre ceux du propriétaire absent. Celui-ci, ayant échappé aux gardes, surprend le gouverneur chez lui, et se croyant trahi par sa femme, le menace. Effrayé, le corregidor s’enfuit mais ses gardes, trompés par les habits qu’il porte, lui donnent des coups de bâton. Débarrassés de l’importun, le meunier, sa femme et leurs amis expriment leur joie dans une brillante jota finale. Cette œuvre est l’un des rares ballets classiques incluant d’authentiques pas de flamenco.
Petrouchka (1911)
Musique : Igor Stravinsky
Livret : Igor Stravinsky et Alexandre Benois
Chorégraphie : Mikhaïl Fokine
Décors et costumes : d’après Alexandre Benois
Danseurs: la poupée aux joues rouges (Claire-Marie Osta), le maure (Yann Bridard) et Petrouchka (Benjamin Pech)
Sur le champ de foire de Saint-Pétersbourg, pendant le carnaval, un magicien montre à la foule de badauds ses trois marionnettes : Petrouchka, la Ballerine et le Maure. Derrière le castelet – où les pantins prennent vie – un drame se joue, car Petrouchka – sorte de Pierrot pathétique – aime la Ballerine qui n’a d’yeux que pour le Maure… « Le ballet joue sur la frontière entre réel et imaginaire. Fokine et Nijinski ont peuplé la foire de personnages variés et pittoresques, certains réalistes comme les cochers ou les danseuses des rues, d’autres à la limite du fantastique comme le diable bondissant. Cela donne au thème classique du contraste entre la solitude tragique du héros et la joie collective de la fête une dimension particulière, inscrivant d’emblée Petrouchka parmi les œuvres majeures du XXe siècle. » (Sylvie Jacq-Mioche)