Dimanche 18 mars 2018 à 17h30 au cinéma l’Utopie de Sainte-Livrade-sur-Lot
et Dimanche 6 février 2022 à 17h30:
TOSCA
3 actes : 3 visages de Rome
- l’église : le premier acte a pour décor une chapelle latérale de l’église Sant Andra della Valle, à Rome. Le lieu du pouvoir religieux. Le peintre « travaille » au portrait de Marie-Madeleine, image composite et idéalisée…
- Les appartements du baron Scarpia dans le Palais Farnèse : le deuxième acte se passe dans le lieu du Pouvoir politique. Le metteur en scène Jonathan Kent a choisi d’y placer une imposante statue de Saint Michel terrassant le dragon…
- La terrasse du château Saint-Ange, la prison qui est lieu de détention et de mise à mort des condamnés. Le lieu de pouvoir absolu sur les corps.
Dans la petite video suivante, le maestro Pappano souligne une des caractéristiques de l’art de Puccini, qui réussit à recréer sur scène des ambiances de lieux mythiques (Paris dans La Bohême, la Chine dans Turandot…) et particulièrement ici, Rome. Au début du troisième acte il y a cette musique incroyable des cloches que l’on entend « partout » dans la ville et qui sont traitées comme des instruments à part entière. Tosca est, plus que d’autres, un opéra très « cinématographique »..
3 personnages , une question
- Scarpia incarne bien sûr le Pouvoir, la toute-puissance, il a le titre de Baron mais son nom est celui d’un bandit et son comportement pervers le rend absolument antipathique. Le peintre ne fait jamais le poids face à lui et c’est là un des points faibles de l’histoire, car Tosca, la « célèbre cantatrice » aime un individu un peu pâle qui n’a pas eu l’occasion de nous séduire vraiment. La plaisanterie qui caricature les opéras en disant qu’il s’agit d’un baryton qui empêche un ténor d’aimer une soprano montre aussi ici ses limites … dans Tosca, le conflit le plus tragique ne se joue pas entre les 3 personnages mais à l’intérieur de Tosca : doit-elle, choisira-t-elle, aura-t-elle la force de se sacrifier par amour ? Qu’est-elle réellement libre de faire ou de ne pas faire ? Ce n’est pas l’histoire d’un trio, c’est l’histoire d’une femme. Tosca, comme Andromaque avant elle…
3 étapes de création
- Victorien Sardou, le prolifique et bavard dramaturge, en choisissant des sujets historiques, saisissait l’occasion de placer de grandes tirades républicaines qui plaisaient d’autant plus au public qu’elles trouvaient un écho dans l’actualité du temps. ( vous pouvez vérifier en cliquant ici : lien vers le texte intégral de la pièce de Victorien Sardou !) D’où des scènes de commentaires et d’explications contextuelles (l’histoire se déroule le 17 juin 1800, le jour de la bataille de Marengo) que Puccini et ses librettistes italiens ont coupé pour resserrer l’Action dramatique. La concision de la versification en italien rend les dialogues encore plus rapides. Le génie de Puccini, qui intervient en dernier pour composer la musique, mélodies et orchestration, amplifie et souligne les passions, les rend sensibles, explosives.
3 Tosca 3 époques
- Sarah Bernhard a incarné la première Tosca, celle de
Victorien Sardou, au théâtre. Elle a joué le mélodrame des centaines de fois et tous ceux qui l’ont vu, à Paris et ailleurs, en sortaient bouleversés. Un succès incroyable : même le public new-yorkais se pressait pour venir la voir et l’entendre… en français ! Pour jouer ce mélodrame elle changeait de style : elle avait excellé jusque là dans les grands rôles tragiques du répertoire classique, en grande partie grâce à une diction qui peut nous paraître désuète aujourd’hui, une façon de déclamer incantatoire et grandiloquente en apparence, mais aussi pleine de subtilités et de vibrations. Nous n’avons pas d’enregistrement de sa voix dans La Tosca mais il y en a quelques autres. Si vous voulez profiter de l’enregistrement suivant de la voix de Sarah Bernhardt, datant de 1903, il vaut mieux lire avant (ou pendant) le texte qu’elle déclame. C’est une tirade (La Samaritaine, acte II scène 3) extraite d’un ouvrage de genre saint-sulpicien, écrit par Edmond Rostand, qui raconte l’histoire du Christ… ici le personnage incarné par Sarah Bernhardt, Photine, témoigne devant la foule :
« Il dit encore :
« Soyez doux. Comprenez. Admettez. Souriez.
Ayez le regard bon. Ce que vous voudriez
Qu’on vous fît, que ce soit ce qu’aux autres vous faites
Voilà toute la loi, voilà tous les prophètes l
Envoyez votre cœur souffrir dans tous les maux! »
(…) II dit encore
Enfin, que sais-je, moi Des mots nouveaux! Des mots
Parmi lesquels un mot revient, toujours le même
« Amour. amour. aimer! Le ciel, c’est quand on aime.
Pour être aimés du Père, aimez votre prochain.
Donnez tout par amour. Partagez votre pain
Avec l’ami qui vient la nuit, et le demande.
Si vous vous souvenez, en faisant votre offrande,
Que votre frère a quelque chose contre vous,
Sortez, et ne venez vous remettre à genoux
Qu’ayant, la paix conclue, embrassé votre frère..
D’ailleurs, un tel amour, c’est encor la misère.
Aimer son frère est bien, mais un païen le peut.
Si vous n’aimez que ceux qui vous aiment, c’est peu
Aimez qui vous opprime et qui vous fait insulte!
Septante fois sept fois pardonnez! C’est mon culte
D’aimer celui qui veut décourager l’amour.
S’il vous bat, ne criez pas contre, priez pour.
S’il vous prend un manteau, donnez-lui deux tuniques.
Aimez tous les ingrats comme des fils uniques.
Aimez vos ennemis, vous serez mes amis.
Aimez beaucoup, pour qu’il vous soit beaucoup remis.
Aimez encore. Aimez toujours. Aimez quand même.
Aimez-vous bien les uns les autres. Quand on aime,
Il faut sacrifier sa vie à son amour.
Moi je vous montrerai comment on aime, un jour.
Amour! N’ayez que de l’amour dans la poitrine
Aimez-vous! »Pour interpréter la Tosca, elle inventa une façon d’interpréter (de « surjouer » à nos yeux post-modernes) en rajoutant à sa voix déjà si singulière tout un registre de l’ordre de la pantomime. C’est elle, Sarah Bernardt, qui eut l’idée des actions scéniques conservées depuis y compris dans l’opéra à la fin du deuxième acte… au moment de l’affrontement avec Scarpia. Le dessinateur Adolph Hohenstein a conçu l’affiche de la création de l’opéra, en 1900, en reprenant cette invention de jeu de Sarah Bernhardt, qui plaçait des chandeliers puis un crucifix sur le corps de Scarpia. L’ombre de Sarah, pour toujours…Dans la petite video suivante retrouvez le charme des récits de Sacha Guitry ! (en ce qui concerne l’allusion à la jambe de Sarah Bernhardt, certains disent que l’origine de la gangrène, serait une fracture, elle-même causée par… la fin de La Tosca : une chute qu’elle a effectuée des dizaines de fois !) - Deuxième Tosca « mythique » : Maria Callas sur la scène de Covent Garden en 1964. Callas tragédienne, comme le montre la photo (ses mains en furie !) et Callas chanteuse d’exception, comme l’enregistrement de « Vissi d’Arte » à Covent Garden en 1964 permet de l’entendre sans commentaire superflu.
- Et la vie artistique continue et il y a de nouvelles Tosca ! Angela Gheorghiu par exemple, ou Martina Serafin, que nous avons vue sur ce même écran de L’Utopie en 2014 (retransmission de L’opéra Bastille, rappelez-vous, avec Ludovic Tézier en Scarpia !). Cette fois nous allons voir et surtout écouter la soprano Adrianne Pieczonka (cliquer ici pour aller sur son site)… et le baryton Gerald Finley dans le rôle du Baron
3 critiques de l’œuvre
- le Mélodrame désigne de façon péjorative une manière d’en faire trop, le mauvais goût populaire : un meurtre, une scène de torture physique et mentale, une exécution par fusillade et un suicide… c’est vrai, c’est beaucoup. Le musicologue Joseph Karman est sans doute celui qui s’est le plus déchainé contre ce qu’il appelle « ce petit mélo miteux » « qui n’est admiré de nos jours que par la galerie » et dont la musique serait d’après lui « d’une banalité de café-concert« .
- Le troisième acte, qui n’égale pas en intensité dramatique les deux premiers est particulièrement attaqué par Karman: « Tosca saute et l’orchestre hurle la première choses qui lui passe par la tête : E lucevan le stelle. » (je serais tenté de dire comme vous « on s’en fiche de ce que dit ce Karman, nous on aime Tosca, c’est tout » mais ce monsieur est vraiment un grand musicologue et quand on a lu son ouvrage sur les quinze quatuors de Beethoven, ce ne sont pas seulement les quatuors de Beethoven qu’on entend autrement, c’est toute la musique..).
- L’orchestration symphonique, « trop forte » couvrirait les voix ou obligerait les chanteurs à de grands efforts. Il faut tout de même remarquer qu’il y a de nombreux pianissimos (ou pianissimi, si vous préférez) et que ce qui caractérise cette partition c’est plutôt l’ampleur de la dynamique des extrêmes… exemple, le début :
Demandez le programme (qui sera distribué à la caisse du cinéma le 18 mars à 17h30, tarif unique 12€) avec le résumé acte par acte et la distribution de cette représentation filmée le 7 février 2018 à Covent Garden . Le voici :
Tosca, le Programme 2018
Et ici ToscaProgramme2022 pour la projection du 6 février 2022 (nouvelle distribution avec Elena Stikhina dans le rôle-tire) représentation filmée à Covent Garden le 19 décembre 2021